Pourquoi les chenilles processionnaires sont de plus en plus précoces dans l'Yonne

Certaines chenilles processionnaires du pin sont sorties de leur cocon dès le mois de décembre. Photo © Fer Christian
 

Le réchauffement climatique favorise les descentes précoces des chenilles processionnaires. Face à ce fléau, la lutte peine à s’organiser dans l’Yonne.

Suite à un décret de 2022, les chenilles processionnaires du chêne et du pin, qui colonisent désormais presque toute la France, font partie des espèces dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine. Pourtant, seuls les départements de la Région Grand-Est ont pris des arrêtés préfectoraux visant à organiser la lutte. Dans l’Yonne, elle n’en est encore qu’à ses balbutiements. Et la multiplicité des sites infectés et des acteurs ne facilite pas la tâche.

Or, la hausse des températures occasionne des processions de plus en plus précoces, et des nids plus nombreux. "La baisse du nombre de jours de gel avance les cycles biologiques des chenilles", explique Laurent Rebillard, qui travaille sur le sujet depuis vingt ans au sein du réseau d’experts Fredon Bourgogne Franche-Comté, missionné par l’Agence régionale de santé pour coordonner la lutte. "Depuis environ trois ans, on observe des descentes précoces, note aussi Arnaud Brun, technicien santé environnementale à l’agglo de l’Auxerrois. Cela pose problème car ça complique la lutte : on ne sait plus à quel moment intervenir sans risque." En effet, la destruction des nids et la pose de pièges ne peut se faire qu’avant la période de processions, lorsque les larves sont encore dans le nid et non urticantes.

 

Une vingtaine de signalements en un an

En 2023, une plateforme de signalement a été lancée, permettant d’alerter sur leur présence. "Encore trop peu d’informations remontent, déplore Laurent Rebillard. Sur un an, nous avons reçu une vingtaine de signalements dans l’Yonne." Des signalements qui sont ensuite transmis au "détenteur du nid", c’est-à-dire le responsable légal du secteur concerné. Cela peut donc être un particulier, une mairie, le conseil départemental, régional, voire l’État. Et c’est là que le bât blesse.

"La multiplicité des acteurs n’aide pas à mettre en place une lutte coordonnée et globalisée",

sait Laurent Rebillard, qui constate notamment que "les petites mairies sont déjà sursollicitées, les agents ne sont pas forcément formés, ce n’est pas leur priorité". Le réseau Fredon BFC accompagne donc les communes touchées en élaborant avec elles un plan de gestion. "On ne peut pas éradiquer les processionnaires. Il s’agit seulement de limiter l’infestation." Différentes solutions existent : échenillage, pièges à phéromones, pièges à colliers, lutte biologique à l’aide de prédateurs naturels comme la mésange ou la chauve-souris, ou encore application de produit phytosanitaire.

"Depuis dix ans, j’ai un pin infesté dans mon jardin, témoigne Arnaud Gauthier, un habitant d’Appoigny. Je coupe et je brûle les nids, j’ai installé des nichoirs à mésange." Mais celui qui a désormais "l’œil aguerri" repère bien d’autres sites infestés. "Rien qu’à Appoigny, dans trois jardins sur quatre qui ont un pin, il y a des nids." La difficulté reste donc de mener une lutte globale, "un véritable enjeu de santé publique."

Pour rappel, les chenilles processionnaires, aux poils urticants, peuvent provoquer des démangeaisons, des conjonctivites et des irritations des voies respiratoires.

 

Cécile Carton