Chenilles processionnaires : une "gestion collective" est nécessaire, selon l'expert Laurent Rebillard

 

Les nids des processionnaires du pin sont très reconnaissables. Photo © Marion Boisjot
 
Laurent Rebillard étudie depuis vingt ans les chenilles processionnaires. Expert au sein du réseau Fredon Bourgogne Franche-Comté, missionné par l'ARS pour déployer la lutte contre ces nuisibles, ce spécialiste décrypte les moyens possibles pour limiter leur prolifération alors que celle-ci est de plus en plus précoce en raison du réchauffement climatique.

 

Laurent Rebillard travaille sur la problématique des chenilles processionnaires depuis vingt ans, en tant que responsable technique au sein du réseau d'experts Fredon Bourgogne Franche-Comté, spécialisé dans la gestion des problématiques végétales. Le spécialiste détaille les moyens de lutte contre les processionnaires et insiste sur la nécessité d'une gestion collective, encore peu efficiente dans l'Yonne.

 

Constatez-vous une augmentation des chenilles processionnaires dans l'Yonne ?

Que ce soit les processionnaires du pin ou du chêne, elles remontent de plus en plus vers le nord du pays en raison du réchauffement climatique et des hivers plus doux. Les deux espèces sont donc bien présentes dans l'Yonne. Après, en termes de quantité, c'est difficile à savoir. Dans l'Yonne, la situation est encore assez mal connue. Suite au décret du 25 avril 2022, qui classe les chenilles processionnaires parmi les espèces dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine, nous avons lancé, en 2023, un formulaire de signalement en ligne, puisque Fredon BFC a été missionné par l'Agence régionale de santé pour améliorer la connaissance des processionnaires et apporter des moyens de lutte.

 

En un an, y a-t-il eu beaucoup de signalements dans le département ?

Tout le monde n'est pas encore au courant de l'existence de cette plateforme de signalement. Il faut un peu de temps pour que ça devienne une routine. Nous n'avons donc que des données partielles, puisqu'en un an, une vingtaine de signalements nous ont été remontés. Principalement au printemps et en automne, au moment des processions. Et ces signalements ne concernent que des processionnaires du pin, plus faciles à repérer.

 

Depuis 2023, une plateforme en ligne permet de signaler la présence de chenilles processionnaires. Photo @Marion Boisjot

 

Une fois un nid signalé, que se passe-t-il ?

La loi précise bien que c'est au "détenteur" du nid de gérer, donc lorsque nous recevons un signalement, nous contactons les personnes ou collectivités concernées. On essaye donc d'inciter les propriétaires privés, les services de voiries ou les communes à agir. Mais la multiplicité des acteurs concernés est un réel enjeu. Les petites mairies, notamment, sont déjà sursollicitées, ont peu de moyens et souvent pas de personnels formés. Même si quelque part, l'augmentation des sites touchés permet aussi de mieux sensibiliser et de faciliter la lutte. Une gestion collective est en tout cas nécessaire, quand bien même on ne peut pas éradiquer les processionnaires et qu'il s'agit seulement de limiter leur prolifération. On commence à déployer cette lutte globalisée dans l'Yonne, tout en essayant d'autonomiser les territoires.

 

Quels sont les moyens de lutte possibles ?

Parfois, l'arbre infesté est tout simplement abattu, ce qu'on ne préconise pas. On peut pratiquer un échenillage, c'est-à-dire couper la branche où se trouve le nid, hors période d'urtication bien sûr, et le brûler. On peut poser des pièges à phéromones ou des pièges à collier, qui sont des sortes de sacs entourant le tronc de l'arbre dans lesquels les chenilles sont piégées lorsqu'elles descendent du nid. Le sac est ensuite ôté et placé au congélateur. En complément, on recommande de favoriser la lutte biologique, à l'aide de prédateurs naturels des chenilles : les chauves-souris et les mésanges. Enfin, on dispose aussi d'un produit phyto-sanitaire qui peut être appliqué, notamment sur les chênes, pour lesquels il existe beaucoup moins de solutions.

 

Propos recueillis par Cécile Carton